Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB


 
 

BALAQ

La sidra de Balaq que fait partie de ces sidrot qui comprennent un nombre impressionnant de chapitres narratifs.

On y raconte une histoire : celle du roi Balaq qui fait appel à un prophète païen, le prophète Bilaam, pour maudire Israël.

Une toute petite remarque exégétique au début de l'analyse de cette paracha pour dire qu'au début, quand Balaq a envoyé ses premiers émissaires chez le prophète Bilaam, Bilaam a répondu : "Je ne peux répondre à l'invitation du roi Balaq que si Dieu m'y autorise ;  laissez moi le temps d'interroger Dieu". Bilaam le prophète interroge Dieu qui lui dit : "Non ne vas pas chez Balaq". Bilaam transmet cette réponse, ne part pas chez Balaq, mais quelque temps plus tard, Balaq envoie de nouveaux émissaires qui insistent auprès de  Bilaam qui, fidèle à sa ligne de conduite, répond en disant :" Je ne peux venir que si Dieu m'en donne l'autorisation". La réponse de Dieu est : "Si tu veux aller avec les émissaires de Balaq, vas-y".

Bilaam se prépare et se met en route pour aller chez Balaq , mais à peine est-il en route que son ânesse rencontre un ange qui lui bloque le passage et lui dit :"Ne vas pas chez Balaq".

Ainsi, dans un premier temps, Dieu dit à Bilaam de ne pas aller chez Balaq ; ensuite, Il lui permet d'y aller, et une fois que Bilaam est en route, Dieu se manifeste pour dire qu'il ne fallait pas y aller. Comment comprendre ces revirements, ces changements d'attitude à l'égard de ce prophète Bilaam ? En fait, le problème ne se pose que si on lit le texte biblique en traduction.

En effet, dans un premier temps, Dieu avait dit à Bilaam, "Ne vas pas". Tout se passe donc comme si la volonté divine était d'empêcher le prophète païen d'aller maudire le peuple d'Israël. Mais Balaq insiste et la réponse de Dieu consiste à dire : "Si vraiment tu veux y aller, tu es libre ; Je te laisse partir : "Koum lekh itam", "lève-toi et pars avec eux".

Mais pour dire "avec" le texte hébreu utilise le terme "itam", et quelques temps plus tard quand Bilaam est en route, Dieu se fâche car il a vu que Bilaam est allé "im saréï Moav", avec les émissaires de Balaq, mais là le terme employé pour dire "avec" est différent.

Il y a deux façons d'être "avec", d'aller "avec". Ou bien il s'agit d'un accompagnement purement géographique, être proche, être voisin. Dieu a permis à Bilaam de partir avec eux. Mais une fois que Dieu a laissé partir Bilaam, Bilaam en a profité non seulement pour accompagner les émissaires de Balaq, mais il est parti "im"avec l'intention de communier"avec" Balak, de partager ses vues, c'est-à-dire de maudire Israël. C'est à dire que cet accompagnement physique a impliqué une identité de vue entre Bilaam et Balaq. Ce que les commentateurs tirent de cette constatation ce sont deux choses importantes.

La première c'est que l'homme est définitivement libre. Quoiqu'il veuille, l'homme arrivera à faire ce qu'il a l'intention de faire : même s'il fait semblant de (se) demander si c'est permis,   s'il veut faire quelque chose, il se trouvera toujours de bonnes raisons de le faire.

Deuxième enseignement, lorsque l'on donne le petit doigt, ce n'est pas évident que l'on donne en même temps le bras entier. Bilaam a insisté, Dieu a cédé à son insistance, mais Dieu a cédé "un peu", ("itam"), Il a "donné le petit doigt". Mais Dieu s'est fâché lorsqu'il a vu que Bilaam prenait le bras entier et qu'il partait "im".

L'homme est libre, mais il doit savoir mesurer les limites de sa liberté.
 

Prenons maintenant, dans le texte biblique, les paroles prononcées par Bilaam et la réaction de Balak.

Bilaam avait annoncé qu'il ne dirait que les paroles que Dieu mettrait dans sa bouche et lorsque Bilaam voit le campement d'Israël il s'écrie : "Que tes tentes sont belles, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël !"

La réaction de Balaq est véhémente, il dit :"Ce n'est pas pour cela que je t'ai fait venir, ce n'est pas pour bénir Israël, c'est pour maudire. Là, tu n'as pas pu faire autrement que de bénir, je te fais une proposition : on va changer d'endroit, viens avec moi, on va aller sur une autre colline et de là, tu pourras maudire".

En quoi le changement de lieu peut-il justifier, même dans l'esprit de Balaq, un changement de contenu quand aux paroles prononcées par Bilaam ?

La Halakha veut que si on a du mal à prier, on doit répéter la prière, en essayant de se concentrer davantage, mais en aucun cas on ne considère qu'un changement d'endroit peut avoir une influence quelconque sur la prière.

Alors comment le roi Balaq a t-il pu penser qu'en changeant d'endroit Bilaam pourrait maudire Israël au lieu de le bénir ?

La réponse, c'est Balaq qui la fournit lui-même, explicitement, dans le texte.

Balaq dit : "De l'endroit où nous irons, là où je me propose de t'emmener, tu ne verras qu'une fraction du peuple, mais tu ne verras pas la totalité du peuple".

C'est dans cette phrase que l'on peut trouver l'explication de la démarche de Balaq.

Quand on voit le peuple d'Israël dans son ensemble, il ne peut y avoir place que pour la bénédiction.

En effet, la Tora est vaste, avec ses 613 commandements ; elle est très exigeante, et l'on imagine ma qu'un homme puisse en appliquer toutes les lois ou en incarner tous les contenus. Mais si l'on considère le peuple juif dans son ensemble, on peut constater que toute la Tora y est encore parfaitement. vécue, qu'elle est parfaitement conservée.

Il est vrai qu' il y a, à l'intérieur du peuple d'Israël, aujourd'hui comme à l'époque  de Bilaam, des personnes qui étudient la Tora, qui la connaissent, qui pratiquent les mitsvot  -  et qui ne font que cela -  , qui pratiquent la solidarité avec autrui, qui pratiquent l'amour du prochain  -  et qui ne font que cela -  ,  qui se consacrent à l'amour,  à la sécurité et au développement  de la terre d'Israël  -  et qui ne font que cela -  . Toutes ces valeurs qu'exige, qu'appelle la Tora, sont donc absolument incarnées, véhiculées conservées, pérennisées par le peuple juif. De sorte que quand on regarde le peuple juif dans son ensemble, on ne peut que le bénir pour sa fidélité à l'ensemble de la tradition.

Mais comme l'a bien compris Bakaq, si l'on ne considère qu'une partie du peuple, une fraction du peuple,  il peut y avoir parfois place non pas pour la malédiction  -  n'employons pas de termes aussi lourds, aussi graves - ,mais il y a place pour la critique.

C'est vrai qu'il y a des personnes ou des groupes de personnes qui étudient la Tora admirablement, mais qui sont indifférents au sort d'autrui, à ce qui se déroule sur la terre d'Israël.
Ou bien il y a des gens qui sont prêts à se dévouer, à se battre pour la terre d'Israël mais qui se sont éloignés de l'étude de la Tora ou de la pratique des mitsvot.
Il y a également des gens qui sont d'un dévouement admirable pour soutenir les faibles, pour aider le prochain, pour être des militants de l'action sociale et qui se disent ou qui se sentent moins concernés par l'étude de la Tora ou Israël etc.

Pour tous ceux là, qui ne se sentent concernés que par une partie e la Tora, il y aurait place pour la critique, et c'est ce que voulait le roi Balaq en disant : "Regarde une fraction du peuple et là, tu pourras formuler des critiques".

Ce n'est que lorsque l'on considère l'ensemble du peuple, que l'on ne peut que s'extasier devant sa fidélité à l'égard de la tradition, dans son intégralité.

Mais il faut ajouter et souligner un point essentiel : pour que cette bénédiction soit tout à fait justifiée, méritée, il faut que chaque composante du peuple juif, de la communauté d'Israël, se sente complémentaire et solidaire des autres composantes de ce peuple. Ce n'est que dans la mesure où chacun sait que l'autre apporte à la collectivité une dimension que lui-même n'apporte pas.

Ce n'est que dans la mesure où nous nous sentons solidaires et complémentaires les uns des autres que nous pouvons effectivement espérer que la bénédiction de ce prophète païen Bilaam reste encore méritée et encore justifiée.

Que chacun prenne conscience de ses limites, admire les contenus positifs qui sont véhiculés par les courants communautaires auxquels il n'appartient pas, et contribue ainsi à faire régner l'harmonie et la paix entre toutes les composantes de notre peuple.

Alors, mais alors seulement, tous ceux qui considèrent Israël ne pourront que s'extasier et dire, à l'instar de Bilaam,
"Que tes tentes sont belles, ô Jacob ! Tes demeures, ô Israël !"
 
 

Rabbin D. Gottlieb.

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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