Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB

«LES DIX COMMANDEMENTS N'EXISTENT PAS »


 

Bien des passages bibliques ont été proposés pour résumer la totalité du message biblique.

"Tu aimeras ton prochain comme toi-même..." en est l'illustration particulièrement célèbre.

Il va de soi que l'on pense également au Décalogue dont le support, les deux tables de pierre, constituent un symbole pour la synagogue et le Judaïsme.

Dans la mesure où le Décalogue a été révélé lors de la majestueuse théophanie du Sinaï, il mérite qu'on en scrute le contenu avec un soin particulièrement méticuleux. Reproduisons le schématiquement.
 
 
1. Je suis l'Eternel.. 6. Tu ne tueras pas
2. Interdiction de l'idolâtrie  7. Tu ne commettras pas d'adultère.
3. Tu ne prononceras pas le nom de Dieu en vain  8. Tu ne voleras pas.
4. Chabbat 9. Tu ne porteras pas de faux témoignage
5. Respect des parents. 10. Tu ne convoiteras pas...

On constatera tout d'abord l'originalité de la présentation de ce texte sur deux colonnes parallèles. On notera d'emblée que les cinq paragraphes de la première colonne concerne la relation de l'homme avec D-, tandis que les cinq paragraphes de la seconde concernent la relation de l'homme avec son prochain. Comme pour signifier que l'on ne saurait voir dans le Judaïsme ni une doctrine strictement "religieuse", ni une doctrine exclusivement morale ou sociale : l'équivalence entre ces deux colonnes vient rappeler que l'on ne saurait prétendre adhérer aux valeurs de la Révélation en se référant seulement à l'une de ses deux dimensions essentielles. On serait légitimement scandalisé si l'on entendait quelqu'un se prétendre un "bon juif" sous prétexte qu'il mange cacher, qu'il met ses tephiline et qu'il observe le chabbat, tout en avouant qu'il se permet de tuer et de voler, et de commettre l'adultère. La simple contemplation des deux tables parallèles montre, qu'au niveau des principes, une telle attitude ne serait guère différente de celle qui consiste à se considérer comme "un bon juif" pour prix d'une adhésion totale à des valeurs éthiques sans la soumission aux exigences "religieuses" du Judaïsme.

 La présentation sur deux colonnes laisse apparaître deux paragraphes sur une même ligne. Il va de soi que ce rapprochement ne saurait être fortuit. Il convient donc d'établir le lien qui unit les deux notions ainsi mises en parallèle.
 

- si l'interdiction de tuer est mise en regard de l'affirmation de l'existence de D-, c'est pour justifier l'interdiction du meurtre par le rappel que tout homme a été fait à l'image de D- et porte en lui l'étincelle divine. Attenter à la vie d'un homme, c'est porter atteinte à D- lui-même.

- l'adultère consiste à accorder à un autre qu'au partenaire légitime les marques d'amour, de tendresse et d'affection qui devraient être réservées au seul conjoint.

- l'idolâtrie, consiste à accorder à autre chose qu'à D- les marques de respect, de vénération et de disponibilité qui ne reviennent qu'à D-.
(L'idolâtrie dont il est question dans la Bible ne saurait se limiter au culte voué à des idoles de bois ou de pierre. Sur le contenu de signification de l'idée d'idolâtrie et ses formes modernes, voir p.  )

Ainsi les deux notions qui apparaissent sur la seconde ligne procèdent-elles du même principe, appliquées l'une au domaine spirituel, l'autre au cadre humain.

- si le vol consiste à s'approprier un bien appartenant à autrui pour en tirer un avantage personnel, on comprend aisément l'interdiction de prononcer le nom de D- à l'appui d'un faux serment : il s'agirait en l'occurrence d'utiliser quelque chose qui appartient à D- -son Nom- pour acquérir une crédibilité que l'on n'aurait pu obtenir autrement.

- observer le Chabbat, c'est porter témoignage sur D- : c'est affirmer qu'Il a crée le monde et qu'Il a accompli les miracles de la Sortie d'Egypte (voir p.). Il n'est donc que normal de trouver en regard de la prescription concernant le Chabbat l'interdiction de porter un faux témoignage concernant une affaire humaine.

- l'interdiction de la convoitise pose un problème particulier : dans la mesure où l'envie se manifeste sans que ce soit le fait d'une volonté délibérée, on comprend mal que la Tora puisse légiférer en matière de sentiment spontané. Certes, on peut contrôler les effets de la convoitise et se retenir de satisfaire une envie - tel est entre autres l'objet de l'interdiction du vol et de l'adultère - mais on imagine difficilement que l'on puisse interdire la manifestation d'un désir.

Constatons que le dernier paragraphe du Décalogue - "Tu ne convoiteras pas" - se présente sous la forme d'une affirmation négative, avec un verbe au futur et non à l'impératif : il peut par conséquent s'interpréter comme une affirmation prophétique annonçant qu'un jour viendra où les hommes seront heureux de leur sort et n'éprouveront aucune jalousie à l'égard de leurs semblables.
Sans doute considérera-t-on une telle vision utopique, mais c'est là que la relation avec le respect dû aux parents peut être importante. En effet, la référence à la cellule sociale que constitue la famille montre t-elle qu'il est possible de se réjouir du bonheur d'autrui sans en éprouver aucune jalousie.
Dans une famille saine, les parents ne sont pas jaloux du succès de leurs enfants, et les enfants ne sont pas jaloux de la réussite de leurs parents.
Que les êtres humains comprennent qu'ils sont frères, et le Décalogue nous l'apprend, la convoitise aura disparu.

S'il est vrai que le dixième paragraphe du Décalogue doit être interprété comme une affirmation prophétique, il va de soi que nous ne sommes plus en présence de dix commandements. Il ne s'agirait plus que de neuf commandements. Si déjà on met en cause le chiffre dix dans l'expression dix "commandements", on pourra constater que tous les autres paragraphes de la deuxième colonne se présentent également sous la forme d'affirmations prophétiques négatives que l'on pourrait interpréter en disant : "un jour viendra où l'on ne tuera plus, un jour viendra où l'on ne commettra plus d'adultère, etc. ..."

Une telle interprétation nous conduira à constater qu'il ne reste plus que cinq commandements dans le texte du Décalogue, et si l'on continue cette investigation on se rendra compte que le premier paragraphe "Je suis l'Eternel ...." est également une affirmation et ne constitue pas nécessairement un ordre.
En tout état de cause, ce premier paragraphe n'a pas la forme d'une phrase comportant un verbe à l'impératif, ce qui signifie que peut-être il n'y aurait plus que quatre commandements au sens habituel de ce terme. En fait les Sages qui ont fait le compte des prescriptions bibliques sont unanimes pour dire qu'il n'y a pas "dix commandements" dans ce texte : ils considèrent généralement qu'il y en a bien plus, la plupart d'entre eux y voient   quinze prescriptions en comptant les différentes composantes des interdictions explicitement formulées dans le texte.

D'où vient donc l'expression dix commandements. Elle provient de l'Eglise qui dans sa polémique contre la synagogue au début de son histoire parlait de "dix commandements". Mais les textes hébraïques et le texte biblique lui-même désignent ce texte sous l'expression de "asseret hadiberot" ou de "asseret hadevarim", ce qui signifie "dix paroles", "dix choses", dix paragraphes, dix phrases, ou, plus exactement: "décalogue"  (du grec deca= dix et  logos=parole).

Si déjà nous avons commencé à étudier les enseignements qui se dégagent de la présentation des dix paragraphes du Décalogue, on peut constater encore que dans la table de droite, celle qui régit les relations de l'homme avec D-, les deux premières phrases, celles qui concernent la connaissance ou la reconnaissance de D- et celle qui proscrit l'idolâtrie, ces deux premières phrases concernent la pensée.
Le troisième phrase de cette colonne : l'interdiction de prononcer le nom de D- en vain, s'applique à la parole, tandis que les deux dernières phrases, le respect du chabbat et le respect des parents impliquent des actes et des attitudes. Ainsi, sur la première colonne on voit une progression qui va de la pensée à la parole et de la parole à l'action. Par contre, sur la deuxième table, celle qui régit les relations de l'homme avec son semblable, les trois premières phrases concernent des actes et des gestes (vol, meurtre adultère), alors que le quatrième paragraphe concerne la parole (faux témoignage) et la dernière phrase régit la pensée puisqu'il s'y agit de l'interdiction de la convoitise.

Autrement dit, sur la première table on assiste à une progression qui va de la pensée à la parole et à l'action ; mais lorsqu'il s'agit des relations sociales, l'ordre est inversé : il faut privilégier ou accorder la priorité à l'attitude gestuelle, au comportement, aux faits et aux actes.
C'est l'attention portée aux gestes et aux actes qui pourra permettre de faire attention à la manière dont on s'exprime et à parler juste et enfin cela conduira à penser juste et à éliminer jusqu'à l'éventualité même de la convoitise.

Dans tout ce qui a été dit jusqu'à présent dans la présentation du Décalogue, il a été tenu compte du nombre de phrases de chaque colonne, de parallélisme horizontal, de parallélisme vertical, de l'ordre dans lequel se présentent les différents paragraphes au sein de chaque colonne.
Reste une particularité dont il n'a pas encore été question, c'est l'ordre des colonnes l'une par rapport à l'autre : pourquoi la première est-elle la première, pourquoi l'autre vient-elle ensuite.
C'est-à-dire pourquoi les relations entre l'homme et D- précèdent-elles les règles qui régissent les relations de l'homme avec l'homme.
C'est peut-être que à la place du parallélisme que nous avons considéré jusqu'à présent, on doit se poser la question de savoir s'il n'y a pas une conséquence à savoir que le respect des règles figurant dans la colonne de droite, c'est-à-dire le respect des lois à caractère religieux ainsi que la compréhension que l'on peut en avoir, conduit à la réalisation naturelle et spontanée des règles figurant dans la deuxième colonne.
Tout se passe comme si l'affirmation de l'existence de D- devait nous conduire tout naturellement et tout spontanément, lorsqu'on sait que l'homme a été crée à l'image de D-, au refus du meurtre.
Tout se passe comme si la compréhension de ce que représente l'interdiction de l'idolâtrie conduisait au refus de l'adultère et comme si la compréhension de ce qu'implique le respect des parents entraînait l'absence de convoitise pour ne pas dire le refus de la convoitise.
Tout se passe donc comme si il y avait un vecteur qui conduisait de la première colonne à la deuxième.

Une dernière remarque concernera d'autres tentatives de résumer le Judaïsme ou de résumer la Tora en citant une partie qui pourrait renvoyer à la totalité du message biblique. Parmi ces résumés on connaît celui de Hillel qui disait à celui qui l'interrogeait et qui lui demandait de lui enseigner le Judaïsme pendant qu'il se tenait sur un pied : "[Tu aimeras ton prochain comme toi-même] c'est-à-dire ; ceci est l'essentiel, tout le reste en est le commentaire, va maintenant et étudie le reste."

L'interprétation habituelle de cette phrase consiste à dire que l'objectif de la Tora est l'amour du prochain, que la phrase la plus importante en est "tu aimeras ton prochain comme toi-même" et que " le reste" renvoie à toutes les autres prescriptions bibliques, à tous les autres commandements de la Tora.
En fait, l'exigence de fidélité aux sources nous oblige à chercher le contexte dans lequel apparaît cette phrase "tu aimeras ton prochain comme toi-même" et on se rend compte que cette phrase constitue une citation tronquée. En effet, le verset continue par les deux mots "Je suis l'Eternel", de telle sorte que Hillel a pu dire à son interlocuteur que le Judaïsme se résume à la phrase "tu aimeras ton prochain comme toi-même".
Cette phrase, pour importante qu'elle soit est banale, mais Rabbi Akiva s'est empressé d'ajouter que le reste en est le développement, et parlant du "reste", il visait sans doute le reste du verset comme pour dire que le Judaïsme peut être résumé en une phrase comportant deux parties : premièrement "tu aimeras ton prochain comme toi-même", relation de l'homme avec son prochain, et deuxièmement "Je suis l'Eternel" qui renvoie à la relation avec D-. Pour être plus précis, ce résumé proposé par Hillel comprend les mêmes particularités que toutes celles qui ont été évoquées à propos du Décalogue.
En effet la phrase "tu aimeras ton prochain comme toi-même" n'est pas nécessairement une phrase impérative - la traduction en français rend bien la forme hébraïque du futur : "tu aimeras...." ; elle peut être interprétée ou comprise comme une affirmation prophétique : un jour viendra où la paix et l'harmonie universelle seront devenues des réalités, mais pour cela il faut savoir que "Je suis l'Eternel", que c'est D- qui est à l'origine de cette espérance et de cette exigence. Cette phrase souligne les fondements révélés de la morale. Hillel, en choisissant ce verset, a voulu dire que "tu aimeras ton prochain comme toi-même" est, certes, une prescription - car bien entendu il faut agir de telle sorte que son comportement vis à vis d'autrui constitue une marque d'amour pour l'autre -.
Mais au delà de cette prescription rituelle, la phrase peut être comprise comme une affirmation prophétique qui se réalisera dans la mesure où la connaissance de D- aura été à l'origine de cette prise de conscience et de cette espérance.

Sans entrer dans l'étude des modalités d'application des différentes attentes contenues dans le Décalogue, contentons nous ici de souligner l'importance du cinquième paragraphe. Le respect des parents figure du même côté que ceux qui concernent spécifiquement la relation de l'homme avec D- (et les marques de déférence et de respect dues aux parents sont parallèles à celles dues à D-, Kitsour Choulhan Aroukh) ; le devoir d'honorer ses parents est l'un des rares commandements dont l'obligation est accompagnée par la récompense réservée à ceux qui l'observent (Exode XX, 2) :
"Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Éternel, ton D-, te donne."
Il est important de remarquer et de souligner que cette récompense ne consiste pas seulement dans la longévité.
Elle mentionne la présence sur la Terre d'Israël, ce qui implique l'existence d'une infrastructure qui permet une vie sociale, collective.

Le rôle des parents consiste à former leurs enfants à l'idée de la centralité de la terre dans la pensée juive.
La meilleure façon, pour les enfants, d'honorer leurs parents consiste à réaliser l'objectif final de toute la tradition juive : la vie du peuple d'Israël sur la terre d'Israël.
 
 
 

.Le Rabbin Daniel GOTTLIEB

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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