Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB


 
 
 

«La mort d'Aaron - La mort de Moise »


 
 

A propos de la mort de Aaron, le texte biblique écrit (Nombres XX, 29) :

"Toute la communauté d'Israël a pleuré Aaron pendant trente jours" ;

par contre à propos de la mort de Moïse il est écrit (Deut. XXXIV,8) :

"Les enfants d'Israël pleurèrent Moïse pendant trente jours. Et les jours du deuil pour Moïse s'achevèrent".

 En comparant ces deux versets on constate deux différences :

- à propos de Aaron on voit que "toute la communauté d'Israël"  a pleuré, alors que pour Moïse il est seulement écrit  "les enfants d'Israël",  et il n'est pas souligné que c'étaient "tous" les enfants d'Israël.

- pour Moïse il est écrit que "les jours du deuil pour Moïse s'achevèrent " alors qu'il n'est pas dit explicitement que le deuil porté après la mort d'Aaron ait pris fin.

 Aaron, selon une formule célèbre (Avot I, 12), "aimait la Paix et poursuivait la Paix", à tout prix. On connaît ainsi l'anecdote célèbre qui présente Aaron tentant par tous les moyens de réconcilier deux personnes opposées par un différent : Aaron allait chez chacune d'entre elles et prétendait que l'autre se sentait responsable de la querelle, reconnaissait porter tous les torts, souhaitait la réconciliation, mais redoutait de voir sa démarche repoussée ; après avoir entendu Aaron, chacun considérait avoir obtenu une victoire morale et accueillait fraternellement l'autre. Aaron avait réalisé la paix entre les hommes ; il n'empêche que pour parvenir à cette fin il avait pris quelques libertés par rapport à la vérité absolue (°).

Cette attitude de Aaron s'explique peut-être par le fait que le prêtre vit au milieu du peuple ; il ne vit, d'ailleurs, que grâce aux offrandes (teroumot et maasserot) que le peuple lui donne ; parfois même il est obligé, fût-ce à son corps défendant, de se comporter presque comme un mendiant qui sollicite un don. Ce contact permanent avec le peuple, avec les problèmes matériels qu'il rencontre, font que le prêtre sent, comprend et sait que "la Tora n'a pas été donnée à des anges" : Aaron se montre non seulement réaliste mais aussi compréhensif à l'égard de ses semblables. Tout cela explique la sympathie dont Aaron était entouré, l'amour que lui portait "toute la communauté des enfants d'Israël" et la sincérité du deuil porté après sa disparition.

Moïse, quant à lui, avait entendu sans intermédiaire les exigences de la Loi : il ne pouvait, par conséquent, ni envisager, ni tolérer le moindre écart par rapport à la volonté de Dieu dont il avait personnellement reçu la révélation.
Il est arrivé à Moïse de s'exprimer sévèrement envers le peuple (Deut. IX, 7, 24 ; XXXI, 27). Sans doute Moïse inspirait-il le respect, mais peut-être aussi la crainte ; ce qui expliquerait que sa mort ait suscitée un deuil moins universel et plus rituel.

Ainsi, la génération des enfants d'Israël qui est sortie d'Egypte a-t-elle eu à sa tête, deux personnages aux attitudes  bien distinctes sans pour autant qu'il faille ou qu'on puisse établir une hiérarchie entre eux.

Au contraire, la Thora se plait à souligner, à plusieurs reprises, l'équivalence entre "Moïse et Aaron" (Exode VI, 27) ou entre "Aaron et Moïse" (Exode VI, 26) : tout se passe comme si la Bible avait voulu indiquer qu'ils ont des vertus distinctes, mais de même importance et surtout complémentaires.

Dès les débuts de l'histoire du peuple juif, il a fallu qu'il ait sous les yeux un modèle en deux facettes : une image qui incarne l'exigence absolue d'amour, et une autre qui réalise l'exigence absolue de rigueur, tant il est difficile de viser d'emblée l'espérance biblique de la fusion harmonieuse entre "la Vérité" et "la Paix".

En effet, ces deux idéaux sont souvent opposés et difficilement conciliables (pour ne pas dire inconciliables) : s'il y a vérité, avec toutes les exigences de justice que cela comporte, il n'y a pas de paix ; et, inversement, s'il y a paix, il n'y a pas de vérité. Parce que la vérité est un absolu catégorique et  rigoureux, tandis que les liens entre les êtres sont complexes et délicats. Dans le monde à venir, la Vérité et la Paix co-existeront et il ne sera plus nécessaire de recourir à aucun compromis (Zaccarie VIII, 19).

Pour expliquer l'attitude du peuple après la mort de Aaron et après la mort de Moïse, on peut aussi noter que la mort d'Aaron est survenue tandis que les hébreux poursuivaient leur marche à travers le désert, et la mort d'Aaron n'a pas provoqué de bouleversement radical dans la vie du peuple juif qui continuait à bénéficier de la protection providentielle de Dieu : le peuple avait donc toute latitude pour laisser libre cours à sa peine.

Mais sitôt après la mort de Moïse, le peuple d'Israël a dû prendre son destin en charge : entrer en terre de Canaan, faire la guerre, se battre. Dans une telle situation, il n'y a guère de place pour la nostalgie et le deuil : c'est ainsi que s'exprime la littérature biblique pour dire qu'il  faut toujours privilégier la vie et consacrer l'essentiel de sa force et de son énergie à  la construction de l'avenir.
 

(°) Sur la légitimité de certains "pieux mensonges", voir Gen. XVIII, 13.

Le mot Vahitamou figure également à propos de la mort de Jacob.

Voir "Cheérit Menahem", I, p. 175.
 
 
 
 
 
 

.Le Rabbin Daniel GOTTLIEB

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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