Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB


 
 

«APPARENTE SOLIDARITE »


 

La sidra de Yayechev raconte la première partie du séjour de Joseph en Egypte et, plus particulièrement, la vente de Joseph par ses frères. Arrêtons nous pendant quelques instants sur les circonstances de cette vente.

Les frères de Joseph sont allés faire paître les troupeaux et Jacob demande à Joseph d'aller s'enquérir de la santé de ses frères et Joseph y va. Lorsque ses frères le voient arriver ils s'écrient d'emblée :"Tiens voici ce rêveur qui vient à nous, allons, tuons-le".

Lorsque cette proposition a été faite, elle semble avoir été acceptée par l'ensemble des frères, à l'unanimité. Il faut alors se poser la question de savoir pourquoi, lorsque Joseph est arrivé auprès d'eux, ils n'ont pas mis leur triste projet à exécution, d'autant plus qu'ils en avaient certainement la force, non seulement parce qu'ils étaient largement plus nombreux, mais aussi parce que l'on sait que Simon et Lévi étaient forts : on a vu comme ils sont allés guerroyer à Sichem.

Alors s'il est vrai que tout le monde a voulu - ou a dit vouloir - tuer Joseph, pourquoi ne l'a t-on pas fait ? Quelques instants plus tard, un des frères, Ruben, demande : "Quel intérêt avons-nous à le tuer et à nous charger les mains de sang, jetons-le dans ce puits", un puits où il n'y avait "que des serpents et des scorpions" ; c'était une possibilité de laisser une toute petite chance de survie à Joseph - à tout le moins, de ne pas le tuer en se couvrant les mains de sang. Or dès que cette proposition a été faite, il semblerait que tous les frères l'aient acceptée, puisque personne n'a accusé Ruben de lâcheté ou ne lui a reproché de changer de projet.

Et on a jeté Joseph dans le puits. Quelques instants plus tard, ou quelques versets plus tard, le texte  raconte que les frères ont vu passer une caravane d'Ismaéliens et l'un des frères, Juda, a proposé que l'on sorte Joseph du puits et qu'on le vende à ces caravaniers comme esclave. C'était, non seulement accorder à Joseph une chance supplémentaire de survie, mais c'était lui assurer la vie sauve, c'était le sauver. Quand cette proposition a été faite, personne n'a accusé Juda de lâcheté, de se désolidariser du projet commun ; il semble au contraire que l'unanimité des frères ait accepté cette proposition.

On doit donc s'interroger sur le fait de savoir, comment et pourquoi, l'unanimité qui, d'abord avait condamné Joseph à mort, a ensuite accepté successivement les propositions de Ruben puis celle de Juda sans broncher,  et peut-être même avec un certain soulagement. Le midrach ajoute même que, lorsque les frères de Joseph sont rentrés à la maison et ont présenté à Jacob la tunique ensanglantée de Joseph, quand ils ont vu la douleur de Jacob, ils sont allés reprocher à Judah d'être responsable de cette souffrance de Jacob. Ils lui ont dit : "C'est de ta faute si notre père est triste, si au lieu de nous dire de vendre Joseph comme esclave tu nous avais dit de le ramener à la maison, nous l'aurions fait ; cela aurait évité la tristesse à notre père, et la peur infligée  à Joseph nous aurait largement suffi".

Comment interpréter ce revirement de la communauté des frères de Joseph ? Parmi les réponses proposées par les rabbins, il en est une qui  semble particulièrement importante dans la mesure où elle a des prolongements dans de nombreuses circonstances de l'existence. Tout se passe, en effet, comme si on savait qu'il existe une psychologie de groupe : tout se passe comme s'il existait une psychologie particulière pour les groupes humains, une dynamique de groupe qui s'exprime à travers le récit de la vente de Joseph. En effet, que s'est-il passé ? Lorsque Joseph est apparu, l'idée a été lancée qu'on pourrait le tuer. Chacun pensant que cette idée était la bonne, ou chacun pensant que cette idée était celle à laquelle il convenait d'adhérer en cette circonstance, tout le monde a adopté le point de vue qui venait de s'exprimer, sans pour autant en être convaincu nécessairement, mais personne n'a osé dire ses réticences à l'idée d'appliquer une décision qui lui semblait peut-être exagérée. Chacun pensait de tous les autres qu'ils partageaient l'idée qui venait de s'exprimer. Lorsque Ruben a proposé de ne pas tuer Joseph, mais de le jeter dans un puits, tout le monde a accepté, et sans doute même avec un certain soulagement. Ruben était sans doute le seul qui ait pu proposer de ne pas tuer Joseph - en tout cas, il était le mieux placé pour oser prendre une position contraire à ce qui était considéré comme l'idée majoritaire, car il était l'aîné.

Si sa proposition n'a pas donné lieu à contestation, c'est que, effectivement, tout le monde a été soulagé de ce qu'il ait eu le courage de prendre le contre pied de ce qui était considéré, à tort semble-t-il, comme l'idée générale.

Lorsque plus tard Juda a proposé que l'on vende Joseph, c'est le même phénomène qui s'est passé, à savoir, que tout le monde semble avoir été soulagé à l'idée que Joseph ne sera pas condamné à mourir dans son puits ; la meilleure preuve en est que, par la suite, les frères de Joseph ont reproché à Juda de n'avoir pas osé aller encore plus loin dans sa proposition et de n'avoir pas osé proposer de ramener Joseph à la maison.

C'est une attitude intéressante dont on retrouve des prolongements dans de nombreuses circonstances et à toutes les époques, à savoir que l'on adhère, sans conviction à une idée que l'on croit à la mode, en faisant un procès d'intention à ses semblables puisque en réalité il n'est pas évident que les autres adhèrent davantage à cette idée, bien qu'on la croie communément admise.

Il faut avoir le courage parfois de prendre le contre pied des idées reçues et comme cela s'est passé dans le cadre de Joseph, au lieu d'être considéré comme un lâche ou comme un traître, on prend figure de pionnier, de résistant, voire de héros ou de sauveur.
 
 
 

.Le Rabbin Daniel GOTTLIEB

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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