Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB


 
 

KEDOCHIM


 

La sidra Kedochim est une sidra dont le contenu semble particulièrement important.
Il suffit pour s'en convaincre de regarder le premier verset :
"Dieu dit à Moise de s'adresser à toute la communauté des enfants d'Israël"
pour leur transmettre le contenu des chapitres XIX et XX du livre du Lévitique.

Or, cette façon de procéder est tout à fait particulière : d'habitude, Moïse reçoit le
message divin, le transmet à Josué ou aux fils de Aaron, qui eux le transmettent aux Anciens,
qui eux le répercutent à tous les enfants d'Israël.
Pour une fois, il est demandé à Moïse de s'adresser directement, sans intermédiaire à toute
la communauté d'Israël, c'est dire que le message est d'une importance tout à fait exceptionnelle.

On pourrait, pour illustrer cela, imaginer une entreprise dans laquelle les directives sont adressées
au personnel par l'intermédiaire des chefs de bureaux ou des chefs de service ; lorsque c'est le
directeur général qui réunit tout son personnel pour s'adresser directement à tout le monde,
c'est que le message est particulièrement important.

Posons nous la question, avec les commentateurs, de savoir pourquoi ces deux chapitres
sont si importants.

D'après certains c'est parce qu'ils contiennent les fondements essentiels de la Tora, notamment
le fameux verset :"Tu aimeras ton prochain comme toi-même", sur lequel nous aurons l'occasion
de revenir.
Mais, indépendamment de ce verset, il y a de très nombreuses prescriptions concernant tous les
domaines de l'existence.

Ce qui caractérise, peut être, ces deux chapitres, c'en est le titre :
"Soyez saints". Dieu demande à Israël d'être "saint" parce que "l'Eternel votre Dieu est saint".

Que représente la sainteté pour la Bible, pour le judaïsme ?

Si nous lisons ces deux chapitres pour savoir ce que la Tora demande de faire pour accéder
à la sainteté, nous nous rendons compte que, premièrement la Tora ne demande rien : toutes les phrases,
toutes les prescriptions, tous les commandements contenus dans ces deux chapitres, sont des
commandements négatifs : "ne fais pas ceci, ne fais pas cela etc." On ne peut rien faire pour être saint.
Même la phrase :
"Tu aimeras ton prochain comme toi même", même celle là, a été interprétée dans le sens d'un
comportement de limitation : "ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse" (cf. infra).

Il y a des comportements qui sont incompatibles avec l'exigence de sainteté, avec la recherche de sainteté,
mais rien ne permet de viser la sainteté.
Aucun geste, aucune attitude aussi méritoire soit-elle, n'est proposé par la Tora pour devenir "saint".

Deuxièmement, on s'aperçoit que chaque fois que la Tora parle de sainteté, aussi bien dans cette sidra
que dans les autres, elle définit la sainteté comme une notion collective :
"Soyez saints, parce que Je suis saint".
Comme si la Bible voulait dire qu'aucun homme ne peut accéder à la sainteté, que la sainteté est une
propriété caractéristique de la collectivité des enfants d'Israël : c'est le peuple juif qui peut être porteur
de sainteté, mais à aucun moment, un être humain ne peut être désigné comme "saint".
 

Etre "saint".

Si l'on cherche plus avant la signification, la traduction exacte de ce mot "saint", on sera amené à
constater que la notion de "kedoucha", de "kadoch", n'a rien à voir avec  l'image qu'évoque le
mot français de "sainteté" ou de "saint".
Le terme "kadoch", appliqué à Dieu, signifie que Dieu est différent, qu'Il est autre, que rien ne
peut Lui être comparé, rien ne peut Lui être assimilé.
Il est différent. Dire d'un objet qu'il est "kadoch", c'est dire qu'il est mis de côté, qu'il est "séparé",
consacré à une affectation   particulière, mais il ne porte pas de caractère de sainteté intrinsèque.

Dire du peuple d'Israël, qu'il est un peuple saint, signifie qu'il s'agit d'un peuple dont les objectifs,
les idéaux, doivent être différents de ceux véhiculés par les autres peuples parmi lesquels il est
amené à vivre.
On peut ainsi noter que la fin de la paracha nous rappelle que cette "séparation" se situe sur des
plans aussi distincts que la façon de manger, à travers les règles de la cachrout, ou la place privilégiée
qui est accordée à la Terre d'Israël :
"N'adoptez pas les lois des nations …et Je vous ai dit : ' … vous prendrez possession de…
ce Pays ruisselant de lait et de miel'" (Lévitique XX, 23-24)

Cette idée était annoncée par la fin de la sidra précédente, où il avait été dit :
"ne faites pas ce qui se faisait dans l'Egypte que vous avez quittée et ne cherchez pas à faire
ce qui se pratique dans le pays vers lequel vous allez".

Etre juif c'est être différent des autres

C'est savoir se limiter, se refuser un certains nombre de choses,
C'est savoir éviter les abus, les excès et éviter tout ce qui est contraire à l'image que l'on doit se faire de Dieu.

Reprenons les prescriptions particulières que contient cette sidra et nous constaterons qu'il est demandé à l'homme,
pour accéder à la sainteté, de faire attention à la manière dont il laboure, à la manière dont il pratique le commerce,
à la manière dont il vit en société.
C'est à dire que la recherche de la sainteté ne doit pas se traduire par un éloignement, une distanciation vis à vis
du monde,mais au contraire c'est par une participation aux choses de la vie qu'il faut introduire la notion de Dieu,
la notion de spiritualité et la notion de sainteté.

Nous avons dit que ce verset "Tu aimeras ton prochain ...." a été présenté, par Rabbi Akiba,
comme un des versets essentiels de la Tora. Tout le monde est d'accord pour le reconnaître .

Il faut néanmoins apporter ici : deux remarques complémentaires.

->La premièreconsiste à rappeler que pour certains Rabbins, il y a des versets plus importants encore :

- "Voici la descendance de Adam"(Genèse V, 1). C'est un verset encore plus important, encore plus universel
car il nous rappelle que tous les êtres humains sont descendants d'un même père, et par conséquent que tous les
hommes sont frères. Voilà qui appelle à des idées universalistes.

- Ben Zoma considère pour sa part que le verset : "Ecoute, Israël, l'Eternel…est Un" (Deut.. VI, 4) est plus
important encore : il ne se limite pas à mentionner la relation entre les hommes, mais il régit la relation de l'homme avec Dieu.

- Pour Chimon ben Pazi, le verset le plus important de la Bible et celui qui résume le mieux la doctrine du judaïsme
est un verset surprenant, tiré du livre des Nombres (XXVII, 3-4) qui stipule qu'il faut offrir "[deux agneaux par jour …];
l'un de ces agneaux, tu l'offriras le matin, le second tu l'offriras vers le soir".
Comme pour dire que les grands principes d'amour du prochain, d'universalisme, d'amour de Dieu, sont des notions
philosophiques, essentielles, certes, mais abstraites.

Or quelle est la véritable quête de sainteté pour le judaïsme, pour la Bible ?
C'est l'action.

Notion simple, notion quotidienne au service de Dieu, comme au service des hommes :
tel est l'idéal de vie pour le judaïsme, beaucoup plus que des pétitions de principe,
des professions de foi, des réflexions sur  l'amour de son prochain, etc..

Etre prêt à agir, quotidiennement, voilà l'idéal pour le judaïsme.
 

->La seconde remarque concerne la traduction de ce verset fondamental à cause duquel, a-t-on dit, le contenu
de cette sidra a été dit directement par Moïse à l'ensemble des enfants d'Israël.
 

Tout le monde connaît l'anecdote célèbre de Hillel qui avait accepté d'enseigner tout le judaïsme en quelques secondes.

"... "Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimes pas qu'on te fasse ; ça, c'est toute la Tora ...  le reste en est
le développement, le commentaire ; va, et étudie".

Comment se fait-il qu'on attribue à Hillel, en guise de réponse, la phrase de la Tora :
" Tu aimeras ton prochain comme toi- ", alors que le texte du Talmud (Chabbat 31 a) lui fait dire :
""Ne fais pas à autrui ce que tu n'aimes pas qu'on te fasse" ?

Dans la traduction "officielle" de la Tora en araméen, Onkelos rend le verset biblique par une phrase qui veut
effectivement dire : "Tu aimeras ton prochain comme toi-même".

Mais au lieu de cela, Yonathan Ben Ouziel,dans une autre traduction classique en araméen, précise :
"Tu aimeras ton prochain comme toi même, en ne lui faisant pas ce que tu ne veux pas qu'on te fasse".

Autrement dit, Hillel répond à son interlocuteur pressé en citant le verset, mais il le cite sous la forme dans laquelle
il est rendu en traduction, et c'est de là que vient la confusion.

Il est vrai que la Tora exige l'amour du prochain. Mais faire preuve d'amour, en toutes circonstances, vis à vis de tout
le monde, c'est difficile. Cela nécessite une longue et sérieuse préparation. Yonathan Ben Ouziel a pensé que les lecteurs
de sa traduction - des gens qui ne prennent pas le temps d'apprendre l'hébreu et qui n'ont l'occasion d'étudier la Bible
dans le texte - ne seraient pas capables de comprendre que l'amour d'autrui est possible; et c'est pour cela qu'il a proposé,
a tout le moins, de ne pas faire à autrui ce qui nous est déplaisant.

C'est dans le même esprit que Hillel, s'adressant à son interlocuteur pressé, a préféré donner à sa réponse une formulation
négative - "Ne fais pas à autrui..." - qui semble plus facile à atteindre, mais qui constitue une exigence moins absolue
que celle de la Tora qui vise à l'amour d'autrui.

Rappelons la phrase exacte prononcée par Hillel :
"Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse ; ça, c'est l'essentiel. Le reste en est le développement.
Va et étudie".

Quel est ce "reste" auquel pensait Hillel ? On peut sans doute imaginer que le reste, c'est toute la Tora, c'est à dire l'Histoire, l
'Histoire Biblique, et les 613 Mitsvot qu'il faut connaître pour pouvoir les observer.

Il faut tout savoir. C'est sans doute vrai. Mais si on regarde de près le verset "Tu aimeras ton prochain comme toi-même",
on se rend compte que la citation qui en est faite en général est incomplète : le reste du verset, celui qu'on oublie, mais celui que
Hillel demande de ne pas perdre de vue, c'est : "Je suis l'Eternel".

Comme pour dire que dans le Judaïsme, l'amour du prochain est un commandement de Dieu.
Il ne suffit pas d'aimer son prochain parce que la vie est plus agréable quand on s'entend bien avec les autres.
Il faut aimer son prochain parce que Dieu l'a prescrit, et comme Il l'a prescrit.
Dans ses deux parties ce verset récapitule les deux dimensions parallèles et équivalentes que le Décalogue consacre
d'une part à Dieu et d'autre part aux hommes.

"Soyez saints …"
 

 
Rabbin D. Gottlieb.

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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