Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB


 

Passé, Présent, Futur. PESSAH

       -DE   « QUATRE »   A   « CINQ »
         -PESSA’H DES HOMMES PESSA’H DE DIEU
 

Vayikra

         -KOREKH


 
 
 
 
 
 

 

Passé Présent Futur Pessa’h


 
 
 
Comme chacun sait la fête de Pessah commémore la sortie d’Egypte : on évoque les miracles que Dieu a accomplis
en faveur des enfants d’Israël ; et si l’on mange de la matsa, c’est en souvenir des pains azymes qui n’ont pas 
eu le temps de lever au moment de la sortie hâtive de l’esclavage d’Egypte.

Il ne faut pas oublier pour autant que la Thora nous demande de consommer de la matza afin que nous expérimentions pendant quelques jours la soumission totale à Dieu qui nous conduit jusqu’à nous priver de l’aliment de base que constitue le pain.

« Chacun est tenu de se considérer comme s’il était lui-même sorti d’Egypte…».

Mais l’objectif de la soirée du séder ne se limite pas à l’évocation du passé ou à la célébration d’une solennité : il consiste bien plus en l’expression de notre espoir de pouvoir dans l’avenir « célébrer de nouvelles fêtes dans la paix et dans le joie de Jérusalem reconstruite ».

Ainsi, la conception du temps selon le judaïsme consiste à puiser dans l’évocation du passé les arguments pour nous convaincre d’introduire Dieu et Sa Thora dans les réflexions qui déterminent notre comportement afin de construire un avenir qui sera à l’image des moments idylliques que notre peuple a connus dans le passé.

Et, à l’instar de Rabbi Akiva et de ses collègues qui se sont mis au service de Bar Kochba dans la lutte pour la libération de la Terre d’Israël de l’occupation romaine, nous ne devons pas nous contenter de formuler cette espérance, nous devons mettre à profit la longue nuit du séder pour étudier les moyens qui s’offrent à nous de contribuer à la réalisation de cette espérance.
 

    Le Chana haBaa biYrouchalaïm haBenouya.
 
 
 

DE   « QUATRE »   A   « CINQ »
 

Quatre est le nombre qui semble caractériser la célébration de Pessa'h et le déroulement du Séder. On trouve en effet les quatre shabbats spéciaux qui précèdent Pessa'h (Chekalim, Zakhor, Parah et ha-Hodech), les quatre questions que posent l'enfant (Ma Nichtana), les quatre coupes du Séder liées aux quatre expressions bibliques qui marquent les quatre étapes de la délivrance mentionnées dans le livre de l'Exode et, bien entendu, les quatre enfants de la Haggada).

Mais en y regardant de plus près on constate l'existence d'un cinquième élément qui appartient à chacun de ces groupes. Ainsi,

- aux quatre shabbatot spéciaux, il convient d'ajouter Shabbat Hagadol ;
- aux quatre questions posées par l'enfant dans le déroulement du Séder, il convient d'ajouter une question qui figure dans la Michna (Pessahim X,1) et qui n'a pas été reprise dans la Haggada (« Tous les autres soirs, nous mangeons de la viande soit bouillie soit rôtie, ce soir seulement de la viande grillée… »;
- aux quatre expressions bibliques qui marquent les quatre étapes de la sortie d'Egypte, il convient d'ajouter le cinquième verbe de ce paragraphe : "Je vous conduirai sur la Terre…" ;
- à côté des quatre coupes que l'on boit au cours de la soirée du Séder, il convient d'ajouter la cinquième coupe dite "la Coupe du Prophète Elie".

S'il faut chercher une cohérence dans le texte de la Haggada, on devrait donc trouver à côté des quatre enfants que l'on connaît, un cinquième enfant. Pour savoir qui il est, il convient de s'interroger d’abord sur ce que représentent les quatre « enfants » connus de la Haggada.

- Le Sage : la question que la Bible attribue à un "sage" est la suivante : « Que sont ces commandements, ces prescriptions et ces lois que l'Eternel votre Dieu vous a prescrits ? » (Deut. VI, 20).
Si cette phrase biblique est attribuée à un sage, c'est parce qu'avant de poser la question, l'enfant a déjà beaucoup étudié et il sait que le judaïsme vécu comporte non seulement des usages et des traditions, mais également différentes mitsvot qui ne sauraient être englobées sous un même vocable. D'ailleurs, la réponse qu'on lui donne, et qui semble le satisfaire, est la règle pratique qui apparaît à la fin du traité de la Michna consacré à la fête de Pessa'h (X,8) : :"On ne doit rien consommer après l’Aficomane.
 

 - Le Racha est celui à qui on attribue la question biblique : "Quel est ce culte que vous célébrez ?" (Exode XII, 26)
Apparemment cette question n'est guère différente de la précédente, si ce n'est qu'elle est introduite dans la Bible par la formule : "Quand ton fils te dira : ‘quel est ce Culte…’ ", et non par la formule que l'on attendrait "Quand ton fils te le demandera". Cet enfant formule sous forme interrogative une objection, mais il n'attend pas de réponse ; c'est la raison pour laquelle la Haggada suggère qu'on lui dise que "s'il avait été contemporain des événements de la sortie d'Egypte, il n'aurait pas bénéficié des miracles et il n'aurait pas été délivré".

Réponse surprenante, car comment peut-on imaginer une sorte de sélection qui, à l'entrée du désert, aurait laissé passer les "enfants sages" et aurait refusé le passage aux rebelles ou aux contestataires ? En fait, s'il avait été contemporain des événements, il ne se serait simplement pas senti concerné par les invitations de Moïse à quitter une terre d'exil pour se diriger vers le Terre d'Israël : en faisant le libre choix de rester en exil, il aurait lui-même décidé, comme près de 80% des hébreux de l'époque, de disparaître en tant qu'hébreu pour se fondre dans la société égyptienne.

A chaque époque où des sorties d'exil ont été possibles, une fraction importante du peuple a préféré rester en terre d'exil, quitte à payer de leur vie, comme des millions de Juifs, ce choix délibéré de refuser, quand cela a été possible, de retourner sur la Terre d'Israël.

 - Le Tam pose une question simple (Exode XIII, 14); et la Haggada nous demande de lui enseigner simplement l'histoire du peuple Juif, ses valeurs et ses espérances.

 - Quant à celui qui ne sait pas poser de questions ou qui ne sait pas même qu'il y a des questions à poser, la Haggada nous demande de prendre les devants et d'aller engager la conversation avec lui. Si les trois premiers enfants viennent poser des questions ou engager la conversation – même si c'est de façon agressive – on sait où et quand répondre à leur question ou à leur attente. Ce quatrième enfant, pour pouvoir lui parler, il faut à tout le moins savoir où le rencontrer. Sans chercher une actualisation artificielle ou  trop schématique, on pourrait dire qu'il s'agit d'un enfant qui ne se pose aucune question d'ordre religieux, rituel ou théologique, mais qui fréquente, par exemple, un club de loisirs juif ou à une association sportive juive.

 Connaissant une adresse où le rencontrer, c'est à nous qu'il appartient de le motiver pour un engagement plus intense dans la vie de sa Communauté ou de son peuple. Il va de soi que, comme il ne se sent pas concerné par les messages que l'on peut souhaiter lui porter, il faut choisir un moment propice où il peut être réceptif à une invitation de ce genre. C'est ce que nous enseigne le texte de la Haggada qui dit que l'on doit chercher à engager la conversation avec cet enfant au moment où « les herbes amères sont placées devant nous », c'est-à-dire, dans les temps où apparaissent les premières manifestations d'antisémitisme symbolisées par le pain de misère et les herbes amères.

 Le point commun entre ces quatre "enfants" c'est que l'on sait où et comment les rencontrer mais il ne faut pas oublier ce cinquième enfant qui représente aujourd'hui près de 80% du peuple juif : ce sont nos frères qui n'ont aucun contact avec aucune institution religieuse, cultuelle ou culturelle de notre Communauté.

La leçon qu'il convient de tirer de cette réflexion, c'est que c'est à nous  -   quel que soit notre âge, nous qui appartenons aux quatre catégories dont parle la Haggada, nous qui sommes les enfants rescapés du peuple d'Israël  -  c'est à nous qu'incombe la responsabilité de porter témoignage du destin du peuple Juif . A l'instar de nos ancêtres, quitter la Terre d'exil, pour recevoir la Torah, s'engager à l'étudier et à l'appliquer et poursuivre la route vers la Terre dont tous les prophètes de la Bible rappellent avec insistance qu'elle est la Terre du peuple d'Israël.

Passer du « quatre » au « cinq » : reconstituer autant que faire se peut l’entité du peuple juif, réintégrer dans la célébration du Séder l’espoir du retour exprimé par le dernier terme biblique qui évoque la dernière étape de la délivrance : le retour à la Terre et l’espérance de « vivre d’autres fêtes, dans un avenir de paix, où nous serons heureux de la reconstruction de Ta Ville et réjouis de pouvoir y célébrer ton culte … » (extrait de la Haggada).

LE-CHANA   HA-BAA  BI-YROUCHALAÏM HA-BENOUYA
 
 

Daniel Gottlieb
 
 
 

VAYIKRA
PESSA’H DES HOMMES
PESSA’H DE DIEU

« Si quelqu’un veut offrir, d’entre vous, un sacrifice pour Dieu, c’est
avec du gros ou du petit bétail que vous offrirez votre sacrifice». (Lévitique I,2).

Nous venons de commencer la lecture rituelle du Lévitique. Quand bien même les prescriptions liées au culte sacrificiel semblent manquer d’actualité, il nous est demandé de les étudier afin, d’une part, que notre lecture et notre réflexion remplacent les sacrifices impossibles (« Que nos lèvres se substituent aux taureaux des sacrifices » - Osée XIV, 3) ; mais aussi afin que nous tenions compte des leçons que nous pouvons en tirer.

Ainsi, le verset cité en exergue présente-t-il une particularité qui ne peut manquer d’attirer l’attention des commentateurs comme celle de tous les lecteurs attentifs du texte biblique.

La même phrase parle en effet de « votre sacrifice » et du « sacrifice pour Dieu ». Le sacrifice est-il l’affaire de Dieu ou l’affaire des hommes ? Dieu - qui demande qu’on les offre a-t-Il besoin de sacrifices d’animaux ?

La réponse apparaît dans la lettre du texte : si l’homme offre « du gros bétail ou du petit bétail », il peut avoir l’impression d’avoir offert un sacrifice ; mais ce n’est que « votre sacrifice ». Pour que ce soit aussi « un sacrifice pour Dieu », il faut offrir quelque chose qui soit prélevé « d’entre vous », de votre temps, de votre disponibilité, de votre être. Ce que Dieu souhaite et attend de nous, c’est que les gestes rituels que la Tora nous demande d’accomplir ne restent pas des gestes mécaniques mais soient des vecteurs qui nous rapprochent de Dieu (« Korban », mot traduit habituellement par "sacrifice", est de la même racine que « Karov », "proche" ; comme pour dire que Dieu est « proche de tous ceux qui  L' invoquent en vérité » - Psaume 145,18).
 

Ainsi en va-t-il des temps consacrés, des célébrations et des fêtes.
« Le chabbat et les fêtes sont destinés à nous permettre d’apprendre à révérer Dieu tous les jours » (Yebanot 93 a, sur Deutéronome XIV, 23).

Cette idée est illustrée par une anecdote rapportée par le Midrach (Yalkout Chimoni, Isaïe I ; Nombres Rabba, 29) :

Un païen a demandé un jour à Rabbi Akiba pourquoi les juifs célèbrent des fêtes : Dieu n’a-t-Il pas dit explicitement (Isaie I, 14)
« Je hais vos célébrations des néoménies et des fêtes ».

Rabbi Akiba a répondu à son interlocuteur en lui demandant de constater que ce verset ne dit pas que Dieu ne prend pas plaisir à « ses fêtes », mais aux caricatures qu’en font les hommes (cf. I Rois XII), par lesquelles ils ont l’impression ou l’illusion de célébrer les fêtes que la Torah leur a prescrites.

« Voici les fêtes de Dieu. .… voici quelles sont Mes fêtes »
 (Lévitique XXIII, 2).

Ce verset fait donc apparaître la même distinction que celle qui a été relevée à propos des sacrifices : la façon dont les hommes conçoivent leurs devoirs religieux ne coïncident pas toujours avec l’attente de Dieu.

Puisse la célébration de Pessa’h ne pas se limiter à la façon dont nous avons parfois l’habitude de respecter des traditions - familiales, culinaires, sociales -.

Puissions nous chercher à vivre « Pessa’h Lachem » (Exode XIV, 27) un « Pessa’h pour Dieu », dans lequel soient respectés non seulement les usages, mais aussi les contenus spirituels ; non seulement la lettre, mais aussi l’esprit.

Que Pessa‘h ne soit pas seulement Pessa’h Samea‘h, une fête heureuse, mais soit aussi Pessa’h cacher, une occasion, par l’étude de la Haggada et du Ma’hzor, de nous rapprocher du peuple juif qui s’est forgé au creuset de l’Egypte, de la Tora et de ses contenus qui dirigent toutes nos pensées vers Israel.

   Pessa’h Cacher Ve Samea’h

Daniel GOTTLIEB
 
 
 

Korekh
 
 
Au cours de la cérémonie du Seder on a l’habitude de consommer « un sandwich à la façon de Hillel »
c’est le moment désigné dans le déroulement de la soirée pascale par « Korekh ».

On met des herbes amères (dans les communautés achkenazes : du raifort râpé) entre deux morceaux de matza et l’on consomme ce sandwich en récitant la formule :

« En souvenir du Temple, selon l’usage de Hillel. Ainsi procédait Hillel à l’époque où existait encore le Temple : il réunissait (de la chair de l’agneau pascal), de la matza, et des herbes amères, et les mangeait ensemble pour se conformer à ce qui est prescrit « Al matzot ou-merorim yokhlouhou » »

La première institution de la célébration de rites particuliers accompagnent la sortie d’Egypte est évidemment décrite dans le livre de l’Exode XII, où figure la liste des préparatifs que les hébreux ont dû effectuer :

« …vous immolerez l’agneau…vous en mettrez du sang sur les linteaux de vos portes…et vous en consommerez la chair cette nuit là, grillé au feu avec des matzot vous les mangerez accompagnés d’herbes amères - tseli ech ou-matzot, al merorim yokhlouhou » (v. 8).

On ne peut que constater que le verset cité dans la Haggadah, pour justifier la consommation de « sandwich de Hillel », ne correspond pas avec le verset qui est censé justifier ce geste.

Comme il n’est pas question d’imaginer que la tradition ait retenu une citation approximative, il convient de chercher la référence exacte du verset retenu par la Haggadah.

L’_expression « Al matzot ou-merorim yokhlouhou » figure bel et bien dans le texte biblique (Nombres IX, 11), et il est intéressant le lire le contexte de ce verset (9-14) : à l’intention des personnes impures ou dans l’impossibilité matérielle de célébrer Pessah en son temps, la Tora prévoit une « session de rattrapage », un mois plus tard, au cours de laquelle il conviendra de manger l'agneau « Al matzot ou-merorim yokhlouhou ».

On ne peut s’empêcher alors de se demander pourquoi la tradition a tenu à justifier un rite accompli le 14 Nissan, le soir du Séder, par la citation d’un verset qui parle d’un rite célébré le 14 Iyar !

Sans doute les deux versets sont-ils très proches l’un de l’autre et les rites décrits sont également très proches l’un de l’autre, mais la question demeure : pourquoi avoir privilégié le verset tiré des Nombres à celui tiré de l’Exode dont la mention aurait été plus logique ?

Le choix des rédacteurs de la Hagadah se justifie sans doute par le fait que Pessah ne doit en rien se borner à la commémoration d’un événement appartenant à un lointain passé ; la célébration de Pessah ne doit pas se limiter à l’observance de rites traditionnels. La célébration de Pessah doit, comme la plupart des autres fêtes religieuses, permettre au présent de jeter un pont entre le passé et le futur.
Ainsi, faut-il ne pas perdre de vue que le Seder, tel que nous le pratiquons, ne constitue en rien la célébration normale de la fête de Pessah, à Jérusalem, mais n’en représente qu’une pâle évocation purement symbolique. En célébrant le sédér comme nous le faisons, nous acquittons-nous complètement de nos devoirs religieux concernant Pessah ? Le verset retenu par la Aggada vient nous détromper :

Même si nous nous acquittons de nos devoirs, de la façon la plus consciencieuse qui soit, la mémoire du passé ne doit pas nous faire oublier la nostalgie du futur. Si la reconstruction du temple était achevée dans les quelques semaines qui suivent Pessah, il faudrait se conformer à la prescription biblique formulée dans le Livre des Nombres, sacrifier un agneau pascal et célébrer la Pâque le 14 Iyar (TP Pessa’him IX, 1).

En citant le verset des Nombres plutôt que celui de l’Exode la Haggadah véhicule l’espérance qui ne doit jamais nous abandonner de pouvoir assister à la restauration du sanctuaire qui se traduit par la possibilité de participer à la deuxième session de Pessah prévue pour ceux qui sont encore obligés de célébrer Pessah loin de la Jérusalem définitivement restaurée.
 
 

Le Chana HaBaa BiYrouchalayim haBenouya
 
 

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....


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