Chiour par Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB

De l’orthopraxie à l'orthodoxie.
La mitsva des Tefilin.
 
 
 
 
 
 
 
 


DE L’ORTHOPRAXIE A L’ORTHODOXIE
-   "orthodoxie"  : du grec orthos = droit, et doxa = doctrine ; en conformité avec la doctrine, le dogme.
-   " orthopraxie" : du grec orthos  et praxis  = action ; en conformité avec les rites prescrits.


 

« …[le peuple] se tint au bas de la montagne… » (Exode XIX, 17).

« … le Midrach développe ce verset en le prenant à la lettre et en comprenant que le peuple était sous la montagne : tout se passe donc comme si Dieu avait dit : « Si vous acceptez la Tora, tout ira pour le mieux, sinon, la montagne s’abattra sur vous, et le lieu où vous vous trouvez sera votre tombeau » (Rachi, ad loc).

Ce Midrach est bien connu qui semble indiquer que la Tora, ou une partie de la Révélation, a été imposée à Israël sous la contrainte.

Tous les commentateurs soulignent cependant le paradoxe que représente cette notion de contrainte, alors que le peuple avait déjà dit, auparavant, « … tout ce que dira l’Eternel, nous le ferons… » (v.8). Puisque les hébreux s’étaient spontanément engagés à se conformer à la volonté de Dieu, pourquoi était-il encore nécessaire d’exercer la menace de la montagne qui s’effondrerait sur eux comme une immense épée de Damoclès ?

Les réponses que proposent les commentateurs font en général référence à différents contenus de la Révélation : certains auraient été acceptés librement, spontanément ; d’autres auraient été imposés, comme pour signifier qu’ils font partie intégrante du judaïsme, qu’ils constituent un élément essentiel de la Révélation, et que le destin du peuple juif, qu’il le veuille ou non, ne saurait s’accomplir sans les valeurs qu’ils véhiculent.

Ainsi le peuple juif, au pied du mont Sinaï aurait, d’emblée, accepté d’accomplir les préceptes que Dieu allait lui imposer, avant même de les connaître. Mais Dieu voulait qu’Israël n’oublie jamais ni ne néglige les idées qui caractérisent, au delà des rites, la spécificité du peuple juif.

C’est ainsi, notamment, que le Talmud évoque des attitudes qui, sans être formellement ou explicitement interdites par la lettre de la Thora, assimilent ceux qui les adoptent, à des idolâtres. C’est le cas, par exemple, de celui qui se laisserait emporter par la colère ou de celui qui choisirait de vivre ailleurs que sur la terre d’Israël.

Contentons-nous, à ce propos, de reproduire un texte talmudique (Ketoubot 110 b, traduction Verdier, p.661) :

« Nos rabbins ont enseigné : un homme doit toujours de préférence résider sur la terre d’Israël, même dans une ville à majorité non-juive, plutôt qu’hors de la terre d’Israël, même dans une ville à majorité juive. En effet vivre sur la terre d’Israël, c’est avoir un Dieu, vivre hors de la terre d’Israël, c’est n’en avoir point, puisqu’il est dit : … pour vous donner le pays de Canaan, afin d’être pour vous un Dieu (Lév. XXV 38).

Est-ce qu’on peut vraiment dire que ne pas vivre sur la terre d’Israël, c’est n’avoir point de Dieu ?
Non. Ce passage signifie plutôt que lorsqu’on vit hors de la terre d’Israël c’est comme si l’on adorait des dieux étrangers. L’exemple de David nous le montre. Il dit en effet : Puisqu’ils me chassent aujourd’hui pour me détacher de l’héritage de l’Eternel et qu’ils me disent : va servir des dieux étrangers ! (I Sam 26, 19).
Lui a t-on vraiment dit Va servir des dieux étrangers ?
Non. Mais cela t’indique que vivre hors de la terre d’Israël équivaut à servir des dieux étrangers. »

Ainsi, si les Hébreux ont accepté d’observer fidèlement les commandements de la Thora, tout se passe comme si Dieu avait dû annoncer que certaines dimensions inhérentes au judaïsme seraient, s’il le faut, imposées au peuple juif par des circonstances contraignantes de l’Histoire.

Le judaïsme ne saurait se suffire d’orthopraxie, de la pratique scrupuleuse et méticuleuse des mitsvot ; l’orthopraxie doit s’accompagner de l’orthodoxie, une pleine adhésion à sa doctrine. De fait, c’est la pratique des prescriptions religieuses qui peut et qui doit permettre de découvrir les contenus de l’orthodoxie.
Un exemple concret illustrera ce propos :




LA MITSVA DES TEFILIN :

Les boîtiers des Tefilin contiennent quatre paragraphes de la Tora :
Exode XIII, 1-10,  Exode XIII, 11-17,  Deut VI, 4-9,  Deut XI , 13-21
 
Constatez d’abord que les quatre paragraphes qui figurent dans les tefilin sont  écrits sur quatre parchemins et contenus 
dans quatre compartiments distincts dans la Tefila de la tête, tandis qu’ils sont écrits sur un seul parchemin pour la Tefila du bras. 
Comme pour illustrer, une fois de plus, qu’il y a place pour différentes attitudes intellectuelles dans le cadre de la pensée juive,
mais il n’y a qu’une façon de se comporter en conformité avec la halakha.

Ouvrez donc votre Bible et replacez ces quatre textes dans leur contexte :

1. Exode XIII, 1-10 : si le verset 9 parle de l’obligation de porter des Tefilin, tout le paragraphe est introduit  (v.5) par le verset : « Quand Dieu te conduira sur la terre… »

2. Exode XIII, 11-17 : si ce paragraphe mentionne aussi les tefilin (v.16),  tout le paragraphe est également introduit (v.11) par le verset :  « Lorsque Dieu te conduira sur la terre… »

3. Deut VI, 4-9 : ce texte est bien connu, puisqu’il s’agit du 1er paragraphe du Chema. On risque cependant d’oublier les quatre premiers versets de ce chapitre qui, comme en guise d’introduction, stipulent : « Voici les commandements et les préceptes que l’Eternel votre Dieu vous demande d’observer sur la terre vers laquelle vous vous dirigez… une terre où coulent le lait et le miel ».

4. Deut XI, 13-21 : ce texte est bien connu, puisqu’il s’agit du 2ème paragraphe du Chema. On risque cependant d’oublier le début du chapitre qui est tout entier consacré à la spécificité de la terre sur laquelle le regard de Dieu se porte en permanence. D’ailleurs, dans  ce paragraphe contenu dans les tefilin, il n’est question  que de la fertilité de cette terre présentée comme la récompense réservée à ceux qui seront fidèles à la Loi et qui pourront y jouir de longévité. Ainsi, la mitsva des tefilin consitue-t-elle, sans qu’on en ait toujours pleinement conscience, un rappel quotidien de la place centrale que la terre d’Israël doit occuper dans la pensée juive.

Dans son commentaire sur le verset 18, Rachi écrit : « Même après l’exil, continuez à appliquer les mitsvot, notamment à mettre les tefilin, pour que ces mitsvot ne vous semblent pas nouvelles lorsque vous retournerez sur votre terre ». Ainsi, Rachi, se référant à un verset du prophète Jérémie (XXXI, 20), voit-il dans l’accomplissement quotidien de la mitsva des tefilin une balise qui doit indiquer à chacun le chemin qui conduit vers la terre d’Israël.

 Rachi semble donc considérer que la lettre du texte biblique ne prévoit l’accomplissement de la mitsva des tefilin qu’en terre d’Israël et que, si nous accomplissons cette mitsva quotidiennement, ce n’est qu’afin de ne pas oublier comment il conviendra de se comporter après le retour.

Ajoutons à cela le commentaire de Rachi sur le verset suivant : « …dès que l’enfant commence à parler, son père doit s’entretenir avec lui en hébreu et lui enseigner la Tora ».

Puisse l’actualité nous conforter dans nos convictions concernant la place essentielle de la Terre d’Israël dans la pensée juive, et puissions-nous profiter des vacances qui commencent pour bavarder davantage avec nos enfants… en Ivrit.
 

Rabbin D. Gottlieb.

    Nos remerciements à Mr Le Rabbin Daniel GOTTLIEB
A suivre .....



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